Les décisions de gestion

Les avis émis par le CIEM sont transmis aux gestionnaires (dont la Commission européenne) et, après examen et éventuel complément par le CSTEP, servent de base aux propositions de gestion, essentiellement des propositions de TAC pour ce qui concerne les stocks contingentés par la PCP. Ces propositions font alors l’objet de négociations entre la Commission européenne et les états membres, la décision finale étant prise lors du Conseil des Ministres de la pêche, tous les ans, à la fin de l'année.

Pour les autres régions ou stocks, les ORGP sont à la fois des instances scientifiques (qui font les diagnostics et émettent des avis) et des organes de décision en matière de gestion des pêches. Ainsi le TAC et les quotas de thon rouge en Méditerranée sont fixés lors de la réunion plénière de la Commission (CICTA/ICCAT). Dans ces cas là, pour la partie qui la concerne, la Commission européenne entérine ou renforce les décisions prises dans ces instances.

En ce qui concerne les ressources exploitées dans la bande côtière (12 milles nautiques), les états membres ont aussi la possibilité de mettre en place des mesures de gestion. En France, ces mesures de gestion sont souvent proposées à l’initiative des organisations professionnelles (comités régionaux et comités national des pêches). Après avis scientifique, les mesures sont souvent mise en place par l’administration.

Les propositions de la Commission européenne

Pour les stocks de l’Atlantique nord-est, la Commission européenne élabore des propositions préliminaires de TAC fondées sur les recommandations scientifiques, et prenant en compte les plans de gestion dont la plupart comportent des clauses qui limitent l’ampleur des variations inter-annuelles des TAC. Ces propositions sont soumises à discussion dans diverses instances : Conseils consultatifs(CC, ex-CCR, comités consultatifs régionaux),  Comité économique et social européen(CESE), Comité consultatif des Pêches et de l’aquaculture (CCPA), Comité des représentants permanents (COREPER). Les conclusions de ces échanges sont ensuite présentées au Conseil des Ministres des Pêches, pour la plupart d’entre elles au « Conseil pêche » du mois de décembre.

Les décisions des ministres des pêches

À l’exception des stocks partagés par l’UE avec des pays tiers comme la Norvège ou la Russie – pour lesquels les décisions de gestion sont prises lors de réunions bilatérales – ce sont les ministres en charge des pêches qui décident, pour chaque stock, des totaux admissibles de captures (TAC).

Le TAC est donc la quantité de poissons capturable pour l’année. Cependant, jusqu’à la mise en place de la nouvelle PCP, seules les quantités débarquées sont limitées par ces TAC, la réglementation permettant de continuer à capturer des poissons dont le quota (de débarquement) est atteint et donc à les rejeter. Depuis 2015 les poissons pélagiques ne peuvent plus être rejetés et doivent être obligatoirement débarqués. De surcroit, il existe des mécanismes qui autorisent une relative souplesse d’application, au demeurant limitée : dépassements de consommation d’une année compensés par des pénalités l’année suivante, et réciproquement, possibilité de report des sous-consommations. A noter que la nouvelle PCP prévoit également, dans certaines conditions, des transferts de quotas entre espèces.

La valeur des TAC est fixée chaque année pour la plupart des stocks. Le Conseil des ministres peut décider, pour certains stocks, de négocier le TAC à un rythme biennal en adoptant la même valeur pour deux années consécutives ou en fixant des niveaux différents pour les deux années à venir, comme pour les espèces profondes.

Pour un stock donné, le TAC décidé par les ministres des pêches est ensuite partagé automatiquement en quotas nationaux à l’aide d’une clé de répartition fixe décidée en 1983 (« principe de la stabilité relative »), mise à jour lorsque de nouveaux États Membres entrent dans l'Union Européenne. En France, les quotas nationaux sont répartis entre les organisations de producteurs.

 

Les mesures de conservation et de régulation de l’accès aux ressources    

L’objectif de gestion étant traduit, le plus souvent, en termes de mortalité par pêche (FRMD par exemple) et cette dernière étant la résultante des prélèvements effectués sur le stock (en simplifiant, la mortalité par pêche correspond au ratio entre Captures et Biomasse), et directement la conséquence de l’effort de pêche exercé sur ce stock.

Pour réguler la mortalité par pêche il est donc possible d’agir :

  • en sortie par contingentement des prises, c’est le système des TAC et quotas,
  • et/ou en entrée par contingentement de l’effort de pêche.

A ces deux grandes familles de mesures s’ajoutent les mesures techniques qui régulent les engins (taille des mailles par exemple), les zones ou les saisons de pêche. 

La gestion par TAC est aujourd'hui le mode dominant de la Politique Commune de la Pêche (PCP), même si certains plans de reconstitution ou de gestion font explicitement référence à la gestion par l’effort de pêche (par exemple : limitation du nombre de jours de pêche, de la dimension et/ou du nombre des engins de capture).

Les TAC ont été mis en place dès l’instauration de l’Europe bleue, pour limiter le volume des captures extraites des stocks halieutiques et permettre, par le système de stabilité relative de partager les ressources entre les états membres. C’est en théorie une mesure facile à appliquer, à contrôler (par les débarquements, donc a posteriori), et à partager (sur la base de droits historiques, ou « antériorités »). Cependant, que les quantités rejetées soient ou non connues, le TAC ne s’applique qu’aux volumes débarqués, et non aux quantités effectivement capturées ce qui introduit un décalage parfois important entre l’objectif fixé et sa réalisation.

Le contingentement des captures par TAC et quotas peut être assorti de mesures techniques (sélectivité des engins, fermetures de saisons et/ou de zones de pêche), l’ensemble visant à assurer la pérennité du stock et notamment pour limiter les captures de jeunes individus qui n’ont pas eu le temps de se reproduire.

En l’absence de moyens de contrôle efficaces, ce dispositif est néanmoins impuissant à enrayer la surexploitation. En effet, découplées d’un dispositif de règles de partage entre exploitants d’un potentiel (fini) de production biologique (quota individuel), les mesures de conservation ne permettent pas de contrecarrer efficacement la logique des comportements individuels en situation de concurrence (extraction jusqu’à dissipation de la rente et création de surcapacité de pêche).

De fait, les TAC sont un élément de l’un des deux grands « leviers » du dispositif de la gestion des pêches, celui dit de la « conservation ». L’autre levier est celui de la régulation de l’accès aux ressources. La mise en oeuvre des instruments de régulation de l’accès (normes administratives incitations économiques, mesures juridiques) est désormais l’une des réformes essentielles du secteur de la pêche. L’enjeu de cette réforme réside dans la mise en place de « droits à produire » subordonnés à des objectifs de gestion et assortis des moyens d’une maîtrise globale de la capacité de pêche des flottilles.

Les plans de gestion

Dans le passé, la Commission européenne a mis en place, pour enrayer le déclin de certains stocks, des plans de reconstitution, puis des plans de gestion dont l’objectif pluriannuel est de limiter la pression de pêche pour atteindre une valeur cible (exemple plan de gestion cabillaud). Cette valeur cible est maintenant fixée conformément à l’objectif RMD de la nouvelle PCP.

La nouvelle PCP (2014-2020) vise également à mettre en place des plans de gestion régionaux visant à concilier les objectifs RMD de chaque stock exploité dans la région concernée. Ces plans sont donc pluri-spécifiques.

Il faut noter que depuis le traité de Lisbonne, l’adoption d’un plan de gestion des pêches se fait en co-décision entre Conseil et Parlement. Actuellement (2015) un plan de gestion pour la mer Baltique est en préparation.