Leçon 4

Juste ce qu'il faut

Pour un agriculteur qui nourrirait ses vaches en prairie, il est évident que ce n'est pas en augmentant à l'infini son cheptel qu'il va augmenter sa production de lait. Il sait trouver le nombre de bêtes qui lui assurera un revenu maximum. Si son troupeau est trop petit une partie de sa prairie va rester en friche ; s'il est trop grand, bientôt il n'aura plus d'herbe et ses vaches ne donneront plus de lait.

L'agriculteur a deux avantages sur le pêcheur. Il est chez lui et il décide lui-même du nombre de vaches de son troupeau. Il voit l'état de sa ressource (la prairie) et les rendements des vaches. Quelle serait la production laitière de notre pays si les prairies étaient libres d'accès et si chacun pouvait y envoyer ses vaches, chèvres et moutons librement ?

L'exploitation d'une espèce de poisson pose le même type de problème. Combien de bateaux et de jours de mer pour en tirer le maximum ? S'ils ne sont pas assez nombreux, la ressource est sous-exploitée ; s'ils sont trop nombreux, elle est surexploitée. Dans les deux cas, la production est inférieure à ce qu'elle pourrait être. Comme la ressource n'est pas visible, son évaluation est complexe et elle ne peut être faite que par l'analyse scientifique des statistiques de pêches et d'autres indices récoltés par des navires de recherche.

Evolution du CA de la flottille

Imaginons notre flottille qui pêche avec un maillage de 100 mm. Elle se développe et atteint rapidement 300 navires pêchant 200 jours par an. Les marins veulent essayer de gagner plus en travaillant plus et passent à 300 jours de mer par an (année 21). Ils ne peuvent guère faire plus (il y a des jours de mauvais temps, il faut entretenir les bateaux et donner un peu de repos aux équipages). Cet effort les conduit à une situation peu enviable : ils travaillent beaucoup, dans des conditions difficiles, pour une marge bénéficiaire presque nulle.

Après analyse de leurs statistiques de pêche et diverses simulations, le diagnostic des scientifiques est formel : l'effort de pêche est trop important. Il est même 2 fois trop important si l'on cherche un CA maximum. Les scientifiques examinent une réduction du temps de pêche de 50% par une limitation du nombre de jours de mer par navire et par an à 150 (ceci représente un effort de travail "ordinaire" car en mer il faut travailler jour et nuit et il n'y a pas de week-end).

L'effet immédiat est catastrophique. Le CA chute de 50% et la flottille devient déficitaire ( -17%, année 34). La réduction du nombre de jours de mer est maintenue et 5 ans après, la flottille fait plus de profits que quand elle travaillait 2 fois plus. Ces 150 jours de travail en plus ne servaient à rien. C'étaient des frais inutiles et une pression excessive sur la ressource. Quand un nouvel équilibre entre la flottille et la ressource est atteint, on constate qu'il n'y a pas eu de baisse de la production et que la marge bénéficiaire est passée de 0 à 30% !!!

Conclusion : A la pêche, il est souvent possible de gagner beaucoup plus en travaillant beaucoup moins. Vous en connaissez des métiers qui ont un tel avantage ?

Difficulté : Il faut beaucoup de temps pour bénéficier à plein des avantages d'une réduction du nombre de jours de mer et l'effet immédiat est catastrophique. Comme le changement de maillage, la réduction du temps de pêche est une capitalisation de la ressource rapportant de très gros taux d'intérêt, mais comment investir quand on est au bord de la banqueroute ?

Pourquoi ce miracle ? La réponse est évidente quand on regarde l'évolution de la biomasse et des captures (en poids) par classes de taille. La 36ème année, on constate une chute des captures qui induit une augmentation des biomasses dans les tailles plus grandes car les poissons qui ne sont plus pêchés peuvent grossir et contribuent à l'augmentation de biomasses et parallèlement à celle des rendements.