Approche intégrée

 

La demande sociale, qu’elle soit institutionnelle (UE, état et collectivités territoriales) ou qu’elle émane de la société civile (pêcheurs, industriels, ONG…) a évolué et ne cesse de croître. Les questions posées concernent de plus en plus les interactions entre différentes espèces, entre stratégies d’exploitation et espèces exploitées, entre dégradation du milieu et écosystème, entre activités humaines conflictuelles … et les réponses attendues doivent intégrer l’ensemble de ces situations. De manière plus globale, on peut parler d’interrogations sur les capacités de résilience d’un écosystème, c’est à dire de sa capacité à réagir aux impacts qui affectent ses propres fonctionnalités : diversité et productivité notamment.

Pour s’inscrire dans une approche intégrée, le CIEM, en 2015/2016, modifie le format de ses avis en présentant non seulement les recommandations pour la gestion de chaque stock mais également un avis sur la pêcherie ainsi que sur l’écosystème, en replaçant la pêche dans les activités anthropiques de la zone concernée.

L’Ifremer après le défi golfe de Gascogne au début des années 2000 a développé une approche intégrée en Manche. Parallèlement, pour s’inscrire dans la démarche communautaire d’approche régionale, une réflexion a été lancée sur une approche par pêcherie.

L'approche par pêcherie

Afin de dépasser le caractère mono-spécifique qui a longtemps prévalu dans l’évaluation et la gestion des stocks halieutiques, l’ensemble des acteurs (Administration, professionnels, scientifiques, ONG) privilégient aujourd’hui une orientation vers la gestion par pêcherie. De plus, au plan européen, conformément à la logique qui a abouti à la création des Comités Consultatifs (CC) la Commission Européenne déclare vouloir simplifier la réglementation et la régionaliser en s’appuyant sur des plans de gestion par pêcherie.

Outre cet aspect régional réclamé par tous, l’approche par pêcherie est la seule qui puisse permettre de prendre en compte, à la fois dans l’établissement des diagnostics et dans les mesures de gestion, des interactions entre les espèces mais également la diversité des activités de pêche et leurs interactions.

L’Ifremer propose de définir « la pêcherie » comme une entité de gestion d’une capacité de pêche circonscrite à une zone géographique donnée, où opèrent différents métiers qui capturent des espèces occupant des habitats de caractéristiques semblables.

Telle que proposée, la définition de la pêcherie permet de donner une « cohérence territoriale » aux différentes mesures du dispositif de gestion dont elle sera l’objet. Il convient de faire la distinction entre «métier» et «pêcherie», deux notions souvent confondues. Le concept de «métier» – et l’usage du mot français– sont aujourd’hui bien établis dans la communauté des halieutes européens, et au-delà. Le «métier» désigne la combinaison {engin x espèce-cible x zone de pêche}.

Cette définition s’appuie sur des critères opérationnels que sont : la physionomie des zones de pêche (littoral, plateau continental, talus, haute mer), l’écosystème (sous-division des éco-régions définies par le CIEM), les espèces cibles (pélagiques, démersales et benthiques), et le contexte réglementaire (eaux territoriales, ZEE, international).

 

Cette approche a été soumise à la DPMA puis au CNPMEM qui ont validé la démarche. Il reste à élaborer un important produit opérationnel : celui de la cartographie précise des pêcheries nationales. Pour mener à bien cet exercice, la collaboration tripartite DPMA-professionnels-Ifremer est nécessaire.

 

L'exemple du chantier Manche

La Manche et le sud de la Mer du Nord (zones CIEM IVc et VIId,e) sont des mers où les activités humaines telles que la pêche, le tourisme, les loisirs, l’extraction de granulats marins, la circulation maritime, les zones portuaires de premier plan, les éoliennes off-shore… sont fortement implantées. Elles présentent des enjeux économiques considérables et sont soumises à une multiplicité d'utilisateurs ayant des intérêts fréquemment antagonistes. Malgré ces pressions, les ressources naturelles halieutiques, conchylicoles et minérales de ces zones suscitent bien des convoitises, au niveau national comme au niveau européen.

Il est à noter également que la constitution des Comités Consultatifs (CC) à l’échelle européenne, et plus particulièrement du sous-CC "Manche", prévoit d’associer l’ensemble des usagers, scientifiques et institutionnels dans l’analyse des scénarios de gestion, pour une exploitation durable des ressources marines.

L’écosystème Manche, transition entre l’Atlantique et la mer du Nord, est étudié par de nombreuses équipes de recherche en France et dans les autres pays riverains. Certains projets développés dans le cadre de programmes européens comme le projet Interreg "CHARM" ( Eastern Channel Habitat Atlas for Marine Resources Management) ont permis par une approche pluridisciplinaire l’édition d’un Atlas des habitats des ressources marines de la Manche orientale en ayant une approche novatrice en modélisation spatiale des écosystèmes.

 

L’objectif du Défi Manche

Le Défi Manche s’appuie sur les travaux engagés dans le cadre des projets Interreg CHARM 1 et 2 et sur les nouveaux projets Interreg CHARM 3 et CRESH et qui ont débuté en avril 2009. Son objectif est de mieux gérer les ressources biologiques marines de cette façade maritime en appréhendant de manière plus globale les caractéristiques et le fonctionnement des habitats et des ressources renouvelables qu’ils hébergent, dans le cadre d’une approche écosystémique de la gestion des ressources renouvelables.

Il porte principalement sur :

  • le développement collectif de nos capacités de recherche pour parvenir à une compréhension multidisciplinaire du fonctionnement des différents écosystèmes marins et côtiers soumis à une forte anthropisation ;
  • la contribution à la mise en place d’une gestion durable des différents milieux, en définissant des outils d’aides à la gestion permettant d’adapter les pressions aux capacités de flexibilité des écosystèmes et de la filière halieutique ;
  • le transfert et la valorisation des acquis pour aider à la gestion partenariale des ressources renouvelables et à la fourniture d’éléments d’aide à la décision publique pour résoudre les conflits d’usages
  • la mise à disposition pour les gestionnaires d’indicateurs et de tableaux de bord permettant de caractériser les états actuels, de mesurer l’impact de diverses pressions anthropiques sur les écosystèmes et d’évaluer l’efficacité des mesures de gestion.

 

 

Les 5 axes de recherche du Défi Manche

Le Défi Manche se structure à travers 5 grands axes de recherche :

  • Axe 1 : description des différents facteurs écologiques structurant la distribution des ressources marines vivantes : habitats (facteurs abiotiques et biotiques), biotopes, assemblages, cycle de vie des principales espèces, environnement ;
  • Axe 2 : Fonctionnement du réseau trophique (approche écologique fonctionnelle) : description, interactions impliquant le plancton (dont phytoplancton toxique) et l’ichtyofaune, fonctionnement, sensibilité aux perturbations, en amont ou en aval des ressources halieutiques ;
  • Axe 3 : Nature et Quantification des impacts anthropiques sur les habitats et sur le réseau trophique (pêche, extraction de granulats marins, éoliennes off-shores, contaminants, etc…) ;
  • Axe 4 : Définition de nouvelles stratégies de gestion pour exploiter les ressources naturelles dans des conditions durables et respectueuses de l’environnement marin et de la biodiversité ;
  • Axe 5 : Eco-services. Evaluation des différents services fournis par l’écosystème au regard des activités humaines et de la variation de l’environnement. Rôle des processus clés et interactions, analyse prospective des services basée sur des scénarios à moyen et long terme.

 

Le Défi Manche, un projet européen au service des organismes statutaires

Le Défi Manche, de par sa zone d'étude, est principalement d'envergure européenne, mobilisant les scientifiques anglais, belges, hollandais, irlandais, mais il a vocation à s'étendre outre-atlantique, où un jumelage France-Canada entre le Défi Manche et une approche intégrée du Golfe du Saint Laurent est à l'étude.

Ce projet doit contribuer directement à la gestion durable des ressources marines de la Manche grâce au développement de modèles écosystémiques. Les scénarios simulés et les résultats obtenus serviront à la planification régionale par les autorités concernées et seront utiles à la gestion des ressources biologiques et aux études d’impacts des activités anthropiques. Ils approfondiront la connaissance de l’écosystème marin de la Manche et ainsi amélioreront la qualité des conseils de gestion et de planification des organismes statutaires, tels que IFREMER, les collectivités territoriales, les agences environnementales, etc…

 

 

 

En savoir plus sur :

application/pdf Approche par pêcheries, définition de l'Ifremer (2008)

Le défi manche

Les Comités Consultatifs

L'Atlas des habitats des ressources marines de la Manche orientale

Charm 3 (vidéo 9 minutes)

Charm3 : les partenaires (vidéo)