Les défis pour une pêche durable
Le contexte
179 millions de tonnes (Mt), c’est la production mondiale de poissons, mollusques et crustacés issue, en 2018, de la pêche (96Mt) et de l’aquaculture (82Mt) (FAO, 2020). 156 Mt sont destinées à la consommation humaine, ce qui donne un approvisionnement moyen de 20.5 kg de poisson par habitant. Le reste (22 Mt) est destiné à des fins non alimentaires (farine et huile de poisson).
La production mondiale de poisson est en augmentation régulière ; cependant, la production issue de la pêche étant relativement stable depuis le début des années 1980, cette augmentation est essentiellement due à l’aquaculture qui représente aujourd’hui 46% du total. Il faut également noter que la proportion de la production mondiale de poisson destinés à la consommation humaine a augmenté, passant de 67% dans les années 1960 à 88% en 2018. Une proportion grandissante de la farine de poisson est désormais fabriquée à partir de déchets de poisson qui, auparavant, étaient souvent jetés.
Il existe de grandes différences entre l’aquaculture et la pêche : élevage, capture, ressources communes, privées... mais la différence la plus frappante est que plus de 60% (62% en 2018) du volume de la production aquacole provient de milieux d’eau douce ou saumâtre (principalement en Asie du sud-est), alors que la production halieutique est à près de 90% (88%) d’origine marine. Il convient également de noter que l'essentiel de la pisciculture continentale repose sur des espèces herbivores (tilapias, carpes, poissons chats).
Avec une production halieutique de près de 5.4 Mt, l’Union européenne (avant Brexit) occupe le 5ème rang mondial en 2017 avec environ 6% de la production mondiale. L’Espagne, le Danemark, le Royaume-Uni et la France réalisent ensemble plus de la moitié de ces prises.
La France fait partie des grands « pays pêcheurs » de l’Union européenne. Les pêcheries françaises débarquent un peu plus de 500 000 t/an correspondant à plus d'1 milliard d’euros de chiffre d’affaires. La consommation annuelle de produits aquatiques fluctue autour de 35 kg / habitant depuis le début des années 2000, composée d’environ 60% de poissons de pêche.
En 2020, le bilan des échanges commerciaux français de produits de la pêche et d’aquaculture se solde par un déficit de 4 milliards d’euros. Le tiers seulement de la consommation française de produits aquatiques est satisfait par la production nationale. Les importations concernent principalement le saumon, les thons, les crevettes et le cabillaud.
La France possède la deuxième plus grande zone économique maritime du monde (10 millions de km²). Les navires qui l'exploitent sont environ 6 300 en 2019, dont 2 000 dans les territoires ultra-marins. Le nombre de navires a considérablement baissé: de près de 20 000 après guerre, les navires métropolitains ne sont plus aujourd'hui qu'environ 4 300. Il faut souligner que les bateaux de moins de 12 m de longueur constituent 80% des navires de la flotte de pêche métropolitaine française.
Sources:
EU. 2020. Fisheries facts and figures on the common fisheries policy
FAO. 2020. La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2016. Contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition de tous. Rome. 224 pages.
France Agrimer. 2021. Commerce extérieur des produits de la pêche et de l'aquaculture en 2016
France Agrimer. 2021. Consommation des produits de la pêche et de l'aquaculture en 2016
Kalaydjian Régis, Girard Sophie (2017). Données économiques maritimes françaises 2016. Brest, France : Ifremer, http://doi.org/10.13155/49962
Les défis
L’augmentation de la demande entraînera une pression accrue sur les ressources et nécessitera le renforcement des mesures de conservation, telles que la protection d’habitats « sensibles », de régulation de l’accès aux ressources halieutiques, comme la généralisation des droits d’usage individuels, dans un contexte de limitation des capacités de capture, d’augmentation des coûts de production, conséquence du renchérissement de l’énergie, et de changement climatique global.
Le constat que la surexploitation des ressources halieutiques des mers européennes était la conséquence de la surcapacité chronique de la flotte de pêche et de l’insuffisance des mesures de conservation (contingentement des captures et/ou de l’effort de pêche, mesures techniques) ainsi que du contrôle de leur application est maintenant largement partagé. L’absence de couplage de ces mesures avec des règles de partage entre exploitants du potentiel de production des écosystèmes a également été soulignée. En effet, pour contrecarrer la logique des comportements individuels en situation de concurrence (« tragédie des communs ») et maîtriser la capacité de pêche, la mise en place de « droits à produire » subordonnés à des objectifs de gestion parait indispensable.
L'amélioration des ressources en Atlantique nord-est depuis plusieurs années doit se poursuivre. La maximisation durable des captures est un des enjeux pour répondre à l'augmentation de la demande.
La viabilité à long terme de l’exploitation des ressources aquatiques est non seulement conditionnée à la pression de pêche qui s'exerce sur ces ressources mais est également tributaire de l’intégrité des fonctionnalités des écosystèmes, que la modification des pratiques de pêche et les réseaux d’aires marines protégées (AMP) visent à préserver.
L’approche écosystémique englobe la protection de la biodiversité dans la gestion spatialisée des différents usages du milieu marin (tourisme, activités minières, transport,…). Elle donne la cohérence de l’ensemble des mesures de gestion de la pêche et intègre la conservation des ressources vivantes et de leurs habitats à l’objectif de création de richesses. En résumé, l’approche écosystémique des pêches c’est « réconcilier conservation et exploitation ».
L’enjeu est donc bien la viabilité des pêches. Cet enjeu fonde une orientation stratégique de long terme (concilier durablement la conservation des ressources et des écosystèmes avec l’efficience économique et sociale) qui, dans l’Union européenne est celle de la Politique Commune de la Pêche (PCP).
Cette politique à long terme s'inscrit dans le cadre des engagements multilatéraux signés lors du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg en 2002 : mettre en œuvre l’approche écosystémique des pêches et de l’aquaculture et réduire l’érosion de la biodiversité (2010), mettre en place un réseau ‘représentatif’ de zones marines protégées (2012), exploiter les stocks halieutiques au ‘rendement maximal durable’ (2015-2020).
Pour répondre aux nombreuses attentes et questions d’ordre socio-économique du monde de la pêche, l’Ifremer a mis en place, au sein du département Ressources Biologie et Environnement (RBE), des actions qui visent à améliorer les connaissances et asseoir une expertise la plus pertinente possible au service de la société.
L’Ifremer travaille en étroite collaboration avec ses ministères de tutelle, et notamment ceux chargés de la Pêche et de l'Environnement, et développe de nombreux partenariats avec les professionnels de la pêche et de l’aquaculture.
Par ailleurs les scientifiques aquaculteurs et halieutes de l’Ifremer ne sont pas seuls. Ils sont engagés dans de nombreuses collaborations scientifiques nationales (GDR, UMR…) avec de nombreuses universités, instituts de recherche (l’INRA, IRD), ou école ( Agro Rennes-Angers) et internationales notamment au sein de projets de recherche européens ou dans les groupes de travail du CIEM, du CSTEP ou d'autres organisations internationales.