La pêche en période de reproduction est-elle compatible avec une pêche durable ?

Les pêcheurs professionnels ou plaisanciers, mais aussi le grand public, sont souvent convaincus que la fermeture de la pêche sur les zones de reproduction pendant la saison du frai constitue une mesure très efficace de conservation de la ressource halieutique.

La pêche sur frayères est traditionnellement pratiquée pour de nombreuses espèces de poissons, c'est le cas du maigre dans l’estuaire de la Gironde, par exemple. De même, une grande partie des captures professionnelles provient de pêches en saison de reproduction. En effet, parfois, le poisson n’est accessible à certains engins de capture qu’au moment de la reproduction, lorsqu’il est concentré dans des zones ou à des profondeurs qui conviennent à la stratégie de reproduction de l’espèce. C’est le cas de l’anchois qui n’est accessible à la bolinche que lorsqu’il forme des bancs de surface au moment du frai. On peut aussi citer le bar, capturé en grande quantité au chalut pélagique au moment de la reproduction et relativement peu, par ce même engin, le reste de l’année. En outre,  certaines espèces comme la seiche, l’anguille, le capelan et dans une moindre mesure l’anchois, connaissent une mortalité naturelle forte, voire totale, à l’issue de la reproduction. Dans ce cas, une éventuelle exploitation n’est possible qu’avant ou pendant la reproduction.

La fermeture de la pêche sur les zones de frai pendant la saison de reproduction constitue parfois l’unique moyen d’assurer le maintien du potentiel de reproduction d’une ressource, préalable indispensable à son exploitation durable. C’est alors une mesure de conservation efficace. Pour autant, en dehors de cas extrêmes où la protection totale est indispensable, pêcher une femelle pendant la période de reproduction ou la pêcher avant, a le même impact négatif sur le potentiel reproductif du stock et pêcher après la période de reproduction affecte le potentiel de reproduction de l’année suivante. Pour certaines espèces, compte tenu des rendements élevés que procure la pêche en période de reproduction, sa fermeture peut se révéler utile pour le respect d'une quantité maximale autorisée de captures. Cette mesure est cependant inefficace si l’effort de pêche consécutif à cette fermeture est maintenu au même niveau qu'avant la période de frai. Eviter de pêcher en saison de reproduction ne doit pas être l’unique principe de la gestion des pêcheries. Cette mesure ne peut se suffire à elle-même car il est possible de surexploiter une ressource tout en la préservant pendant sa période de reproduction. Une fermeture, souvent appelée "repos biologique", ne peut se substituer seule aux mesures de régulation mises en place pour conserver une ressource halieutique dans un état optimal ; elle peut, au mieux, les complémenter lorsque la situation l’exige, en aidant à une restauration plus rapide des populations trop exploitées.

Alors faut-il interdire la pêche en période de reproduction ou protéger les femelles grainées pour garantir la conservation ou assurer l’accroissement d’un stock ? On le voit la réponse est loin d’être évidente. Pour simplifier on peut dire que la pêche sur les frayères, lorsque les géniteurs se regroupent, ne peut s’envisager qu’avec la garantie de maintenir un niveau suffisant de reproducteurs et un minimum de diversité génétique. Elle ne peut donc se concevoir sans un encadrement strict. Quand les quantités de géniteurs sont très faibles, il est indispensable de protéger au maximum la reproduction en plus de réduire la pression de pêche globale. En tout état de cause, le repos biologique en saison de reproduction ne peut pas se substituer aux indispensables mesures de gestion de la ressource.

 

Photo : pêche à la bolinche (Ifremer/O. Barbaroux)