Le poisson est-il pollué?

Les diverses activités humaines (agriculture, industrie, traitement des eaux usées, recyclage des déchets urbains et industriels, production d’énergie, transport) génèrent des pollutions de toutes sortes. A plus ou moins long terme tous ces contaminants d’origine terrestre véhiculés par les cours d’eau rejoignent le milieu marin. La zone côtière est particulièrement touchée, notamment à proximité des embouchures des fleuves et des rivières. Même si au large la pollution est plus diluée, on peut y déceler des substances chimiques à l’état de traces. Ces contaminations sont-elles susceptibles de porter atteinte à la santé des écosystèmes et à la qualité du poisson, et finalement de constituer un risque pour le consommateur ?

Les substances les plus préoccupantes sont soit bio-accumulables, soit persistantes ou les deux à la fois. Les premières présentent une capacité à se concentrer dans les tissus biologiques (notamment les graisses) ; c’est le cas des PCB*, des dioxines* et généralement des composés aromatiques poly halogénés. Les secondes résistent aux processus de dégradation ; c’est le cas de bon nombre de composés organo-halogénés parmi lesquels certains insecticides dont la durée de vie peut dépasser 3 siècles, les produits ignifugeants (PBDE*), les produits anti-taches ou imperméabilisants (PFC*). Par contre les hydrocarbures poly-aromatiques (HAP) présents dans le milieu marin suite à des dégazages de pétroliers ou des marées noires ne rentrent pas dans cette catégorie. En effet ces HAP ne sont pas accumulés par les mollusques mais au contraire biotransformés et éliminés par les poissons et les organismes supérieurs. Des recherches ont permis de connaître les effets de tous ces produits chimiques sur la ressource marine. Ainsi sait-on que les PFC s’accumulent dans le foie des poissons plus que dans la chair, que les PBDE sont de possibles perturbateurs endocriniens ou que la toxicité des dioxines peut se traduire chez le poisson par des atteintes hépatiques, des effets cutanés, ou altérer les fonctions immunitaire ou de reproduction.

Des programmes de surveillance de l’environnement ont permis d’identifier les zones les plus contaminées et de suivre l’évolution dans le temps des contaminations. Ainsi le programme RNO-ROCCh, mené par Ifremer depuis près de quarante ans, utilise les moules et les huîtres comme espèces indicatrices pour mesurer dans l'eau les contaminants à l’état de traces. Il a pu déterminer qu'en France les zones les plus contaminées sont les estuaires, et en particulier, l’estuaire de la Baie de Seine. Aujourd'hui, il est satisfaisant de constater que pour bien des contaminants suivis par ces programmes de surveillance, les niveaux de contamination sont à la baisse, résultat d’une réglementation plus exigeante et des efforts d’assainissement et de réduction des émissions de substances chimiques.

Selon les agences de sécurité alimentaire qui ont pour mission l’évaluation des risques chimiques des produits marins, les poissons mis sur le marché présentent globalement des niveaux de contamination bien inférieurs aux concentrations maximales admissibles fixées par la réglementation. On peut donc affirmer que le poisson n’est pas pollué! Reste la question des polluants dits émergents (comme par exemple les produits pharmaceutiques ou les nanoparticules que l’on trouve dans les composants électroniques) qui ne sont pas analysés et dont on ne connaît pas la toxicité.

Pour terminer, il faut rappeler que, par sa faible teneur en graisse et l’abondance des acides gras poly-insaturés, le poisson présente une grande valeur nutritionnelle. Sa consommation est recommandée par les autorités sanitaires pour prévenir de maladies cardiovasculaires. Pour limiter les risques liés à une éventuelle contamination, il est recommandé de diversifier à la fois les espèces consommées et les sources d’approvisionnement.

 

* Les dioxines sont des sous-produits indésirés de réactions chimiques impliquant le chlore, ou de processus de combustion. La principale source d’émission est l’incinérations des déchets urbains.

* PCB : polychlorobiphéniles utilisés comme agents diélectriques dans les équipements électriques.

* PBDE : polybromo diphényle ethers sont utilisés comme retardateurs de flammes dans l’ameublement, les textiles, les matériaux isolants, les matières plastiques, l’équipement électronique et informatique.

* PFC : composés polyfluorés recherchés pour leurs propriétés imperméabilisantes et anti-tâches sont utilisés dans des produits d’usage courant comme les mousses extinctrices, adhésifs, cires, emballage.