Plans de gestion à long terme
Pourquoi des plans de gestion ?
Faire des recommandations scientifiques pour la gestion des stocks de poissons exige une bonne vision de l’état du stock. Pour cela on a recours à des modèles mathématiques complexes qui exploitent les différentes statistiques de pêches ou des données issues de campagnes scientifiques d’observation du milieu. Les mécanismes de régulations font intervenir les TAC (Total Admissible des Captures) ou la limitation de l’effort de pêche et reposent sur des points de références (biomasse et mortalité par la pêche) qui permettent de juger, par l’intermédiaire de l’évaluation annuelle des ressources, dans quelle mesure l’exploitation du stock est possible selon une approche de précaution visant en théorie à aller vers un développement durable de la ressource halieutique et de son exploitation.
Un reproche fait à cette approche : le côté arbitraire des points de référence qui, pour certains stocks, ne sont pas toujours très adaptés, ni représentatifs de l’état réel des ressources. D’autres stocks présentent de fortes variations d'une année sur l'autre, du fait de facteurs environnementaux qui rendent les prévisions incertaines. Dans ce contexte, la révision annuelle des mesures de gestions peut apparaître comme une vue à trop court terme. Ceci peut avoir pour conséquences un effort inadapté à la réalité du stock entraînant surcapacité de pêche et surexploitation du milieu et menant à des quotas trop rapidement atteints, à l’effondrement des prix ou encore à la fermeture brutale et imprévue de la pêche sur certains stocks.
Le recours aux plans de gestion à moyen ou long terme permet d’ éviter ces problèmes en développant et en évaluant au travers de projections, l’effet de mesures particulières sur les stocks exploités mais aussi l’impact social de ces règles en étudiant notamment les retombées économiques en terme d’argent et d’emplois directs ou indirects. Certains plans visent également à restaurer des stocks (par exemple le cabillaud de mer du Nord) à des niveaux de biomasse durable.
Pour résumer, les plans de gestion peuvent avoir différents objectifs, tels que :
- Assurer un maintien des ressources à un niveau biologique et d’exploitation durable.
- Intégrer l’approche écosystémique des pêches.
- Maintenir une certaine biodiversité.
- Répartir les captures entre différentes flottes et/ou état (compromis économique).
- Restaurer une population à des niveaux de biomasse durable.
- Atteindre un objectif de captures stables d’années en années.
Une approche interdisciplinaire intégrant scientifiques et pêcheurs
Le développement de ces plans est un processus itératif complexe impliquant un dialogue permanent entre biologistes, économistes et pêcheurs. Ces plans demandent en effet la prise en compte de nombreuses informations sur la dynamique des stocks, sur les pratiques de pêche et sur l’ensemble de la filière économique dans les bassins d’emploi concernés.
Ces plans, grâce à la réalisation de nombreuses simulations informatiques, fournissent aux différents experts des projections sur plusieurs années, de l’évolution de l’état des ressources et des retombées économiques de la mise en place de telle ou telle mesure de gestion.
Un outil d’évaluation de plan de gestion fait en général intervenir 3 éléments :
- Un module biologique, généralement un ou plusieurs stocks exploités. Ce module simule l’évolution d'une année sur l'autre du stock en tenant compte de son exploitation mais également de facteurs ou événements environnementaux susceptibles d’affecter la population, en particulier la reproduction.
- Des règles de gestion codifiées dans le modèle. En fonction de la taille du stock ou de la pression liée à l’effort de pêche, ces règles définissent pour l’année suivante des paramètres utilisés par les pêcheries comme le TAC ou l’effort de pêche autorisé. Les règles de gestion peuvent prendre de nombreux aspects. Cela peut aller d’un système de TAC fixé en fonction de la biomasse, la fermeture saisonnière de zone ou de la pêche, la modification du maillage… Certains plans de gestion proposent différents types de règles à évaluer indépendamment afin d’identifier celle qui correspond au meilleur compromis entre la croissance du stock et son exploitation durable. Les règles de gestion permettent également de tester les répartitions des quotas ou de l’effort entre flottes ou pays.
- Une composante économique qui va estimer les gains ou pertes des flottes impliquées et éventuellement les conséquences que cela peut avoir sur le bassin de l’emploi.
Ces simulations sont donc très nombreuses puisqu’il s’agit d’évaluer la réponse biologique et économique du système pêche/milieu étudié pour de nombreux scénarios différents en faisant varier simultanément les paramètres biologiques du stock, généralement avec un degré sensible d’incertitudes, et les conditions d’exploitations des ressources, comme l’effort de pêche.
Les critères d’évaluations sont souvent probabilistes : « compte tenu de ce type de scénario, quelle est la probabilité que le stock se maintienne durablement ? ». Par conséquent, ces approches sont longues et par essai-erreur. Il s’agit de trouver un compromis entre une faible probabilité d’effondrement du stock et la recherche d’une rentabilité la plus élevée possible pour l’industrie de la pêche. Il faut noter que la rentabilité ne passe pas forcément par l’augmentation de captures mais par l’augmentation des captures par unité d’effort de pêche, et donc que le compromis peut-être atteint en modulant captures et efforts.
Le dialogue entre scientifiques et pêcheurs permet d’analyser plus finement les résultats afin de proposer des solutions concrètes de gestion qui pourront être implémentées plus tard par les organismes de régulations.
Implication de l’Ifremer
L’ifremer est impliqué dans l’évaluation de plusieurs plans de gestion à l’échelle internationale (par exemple, l'anchois du golfe de Gascogne) mais également dans la conception d’outils de gestion notamment ISIS-Fish, un logiciel dédié conçu pour la gestion spatialisé. Au travers d’une interface graphique, ISIS-Fish simule à la fois l’évolution de stocks, l’activité des flottes et peut intégrer d’autres éléments comme l’évolution des conditions du milieu (salinité, température par exemple).
En savoir plus sur : Les plans de gestion (management plans) en anglais Les pêcheries complexes : ISIS-Fish |