Des outils pour les diagnostics : modélisations et simulations
Par quel artifice arrive-t-on à dévoiler les mystères d’astres cachés au fin fond de l’univers ? Les spécialistes enregistrent les rayonnements émis par les astres puis les interprètent à l’aide de modèles, à savoir des équations combinant des lois physiques connues et des hypothèses, et de là en déduisent la masse, la composition, l’origine de l’objet. Quand l’enjeu est d’estimer la taille et l’évolution de stocks de poissons dissimulés dans les immensités marines, la démarche est finalement très proche : il faut des modèles pour interpréter les données de captures et de rendements déclarés par les pêcheurs au cours du temps.
Modèlisations
Pour évaluer les stocks halieutiques, on distingue classiquement :
- Les modèles globaux, qui décrivent la dynamique de la population uniquement en terme de biomasse totale, sans tenir compte de la structure en taille ou en âge, et ne considèrent que les variations nettes de cette biomasse en réponse à la capture.
- Les modèles à deux stades, qui distinguent les recrues de tous les poissons plus âgés ; par rapport aux précédents, ils permettent d’expliciter les fluctuations du recrutement comme facteur d’évolution des stocks, en plus de la pêche.
- Les modèles analytiques, qui détaillent les articulations entre rouages élémentaires que sont, en entrée, le recrutement et la croissance et, en sortie, la mortalité par pêche et la mortalité naturelle. La population peut elle-même être subdivisée en groupes d’âge ou en classe de tailles, chacun ayant des paramètres distincts pour chaque processus.
Le résultat type est une estimation de la taille de la population, en absolu ou en relatif, au fil du temps. Tous ces modèles figurent des mécanismes démographiques ordinaires, mais ont une exigence forte : il faut que les captures (incluant les rejets) de tous les pêcheurs soit connues exhaustivement sur de longues périodes, et que les rendements (ou captures par unité d’effort, CPUE) soient mesurés avec des engins standard ou corrigés des progrès techniques.
Simulations
Imaginons qu’un des modèles ci-dessus nous donne une estimation du nombre de poissons de chaque âge présents en mer au début d’une année. Si l’on peut symboliser un scénario d’exploitation ou une modalité de gestion par quelques paramètres, alors on peut projeter le devenir de la population selon le schéma ci-joint et anticiper l’effet sur les captures, les revenus, la biomasse etc. Pour ces simulations, on préfèrera des modèles de type analytique qui permettent de détailler plus de processus. On pourra ainsi simuler des pressions de pêche différenciées sur les recrues, les jeunes ou les adultes. Il est également possible d’associer des paramètres distincts aux divers métiers (modèles multi-flottilles ou composites), voire de tenir compte de la distribution spatiale des stocks et des flottilles (ISIS-Fish). Au besoin, on peut connecter des modèles représentant l’effet de l’environnement sur la croissance, la fécondité ou le recrutement, ou encore les effets dus à l’abondance de prédateurs ou de proies. Enfin, les modèles dit bio-économiques associent des paramètres de prix du poisson, de coût de l’effort de pêche, d’investissement en navires, etc. permettant de dresser des diagnostics économiques.
Les différents ajouts rendent les modèles plus réalistes, ce qui peut dans certains cas améliorer l’explication du passé. En revanche, un modèle plus prolixe en paramètres ne rend pas forcément les prévisions plus fiables car nombre de ces paramètres sont souvent impossibles à prévoir. Dans certains cas, l’incertitude sur les variables du modèle peut-être prise en compte dans des modèles dit stochastiques qui, au lieu de donner une réponse unique par année comme les versions dites déterministes, retournent des profils des réponses possibles où l’on peut situer le domaine des impacts les plus probables ou les seuils de risque.
Dans la pratique courante, les simulations permettent avant tout de comparer les mérites et inconvénients respectifs de différentes options d’exploitation ou de gestion en évitant la focalisation sur le trop court terme. On peut ainsi vérifier qu’un scénario est durable biologiquement et économiquement, à environnement externe donné ; inversement, si une option se révèle catastrophique, on n’aura pas trop de remord à en constater les effets sur du poisson électronique, dans une simple simulation.
Ce dernier exemple montre que le diagnostic sur l’état des ressources et le statut de durabilité de leur exploitation est obtenu en combinant une analyse des évolutions passées et des projections des effets attendus sous diverses hypothèses.
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